Sully

Réalisé par Clint Eastwood
Avec Tom Hanks, Aaron Eckhart
Etats-Unis – Biopic/Drame
Sortie en salle : 23 Mars 2016
Durée : 96 min

Kezako ?

L’histoire vraie du pilote d’US Airways qui sauva ses passagers en amerrissant sur l’Hudson en 2009.

La critique d’Eugénie   –   2,5/5

Vous avez surement déjà connu cette situation… celle où une tierce personne vous demande votre opinion sur l’un de vos amis et que le seul adjectif qui vous vient à l’esprit est « gentil ». Pas drôle ou intelligent, ni beau, spirituel, intrépide ou charismatique… juste « gentil ».
« Sully » c’est exactement ça. Un film « gentil » qui raconte l’histoire d’un type « gentil »… et ça nous laisse franchement indifférent.

Connaître l’issue de l’histoire limite d’entrée les enjeux dramatiques… difficile de s’impliquer quand on anticipe un happy end. Le biopic restant fidèle à la réalité, seule la réalisation pouvait induire notre immersion.

Pour éviter tout rapprochement avec les films catastrophes, Clint Eastwood se montre économe en spectaculaire (et bâcle les quelques effets spéciaux). Exit le pathos, il opte pour un récit anachronique suivant les réflexions du capitaine Chesley Sullenberger.
Si la démarche est louable, le résultat interdit toute envolée épique et enferme le spectateur dans la passivité. La caméra passe d’un personnage à l’autre trop rapidement pour nous permettre de créer un lien empathique, l’action est trop propre pour susciter l’émoi devant le « miracle ». Résultat, tout semble trop facile ! On ne craint pas une seule fois pour la vie des passagers dans l’avion ou grelottant dans l’eau, on ne s’indigne pas du combat de Sully pour défendre son honneur, on n’éprouve aucune joie au dénouement… parce qu’on le connaît déjà.

Les figures héroïques sont récurrentes dans la filmographie d’Eastwood, et si Chris Kyle, le héros d’American Sniper avait divisé l’opinion en glorifiant un personnage moralement douteux, il soulevait une réflexion plus profonde sur les valeurs de l’héroïsme.  Sully au contraire, c’est le type lambda qui devient un héros sans l’avoir cherché et qui n’a rien à se reprocher. Et voilà que les méchantes assurances cherchent à prouver une erreur humaine (du reste elles font juste leur travail). Tom Hanks n’est ni meilleur ni moins bon que d’habitude mais son personnage est insipide car exempt de toute ambiguïté. On lui préférait presque son copilote interprété par Aaron Exkard qui a au moins le mérite de nous faire rire.

Pourtant le traitement du stress posttraumatique et du doute de soi offrait de belles opportunités. On aurait aimé croire davantage à un possible accès de mégalomanie poussant le commandant à tenter une manœuvre dangereuse, on voulait explorer plus loin la peur panique résiduelle à l’accident. Mais le film choisit ce moment pour rompre son vœu de sobriété et préfère ici la facilité à la subtilité : en jouant avec les alternatives de l’accident, il ravive le spectre du 11 septembre jusqu’à le matérialiser avec une phrase, au demeurant très drôle, « On n’est pas habitué aux histoires d’avion qui finissent bien, spécialement à New York ».

Le film se fourvoie du début à la fin, avec une morale démago qui sonne comme de la fausse modestie : il n’y a pas eu qu’un seul héros ce jour-là mais une centaine (secouristes, hôtesses, bla bla)… Mouais, enfin si chacun a pu jouer son rôle c’est bel et bien parce qu’une seule personne a réussi à poser ce fichu avion en premier lieu.

Le fin mot de l’histoire, c’est qu’en voulant rester neutre, Clint Eastwood réalise un très bon documentaire mais un mauvais long-métrage.