Benedetta

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Kezako ?

Au 17ème siècle, alors que la peste se propage en Italie, la très jeune Benedetta Carlini rejoint le couvent de Pescia en Toscane. Dès son plus jeune âge, Benedetta est capable de faire des miracles et sa présence au sein de sa nouvelle communauté va changer bien des choses dans la vie des soeurs.

La critique d’Eugénie – 7,5/10

Entre problèmes de hanche, retard de post production et crise sanitaire, Benedetta aura connu de nombreux déboires avant d’arriver en salles et, surtout, sur la Croisette. Une stratégie payante si on en juge par les réactions contrastées que le film génère déjà dans le sud de la France.
Ce qui est certain, c’est que le petit dernier de Paul Verhoeven n’a certainement pas fini de faire parler de lui !

Thématiquement, le film est d’une infinie richesse. Que ce soit par l’iconographie, le symbolisme ou tout simplement ses dialogues, le réalisateur renoue avec tous les thèmes et motifs chers à son œuvre en poussant le curseur au maximum. Benedetta entremêle ainsi le politique et le religieux, le pouvoir, la foi et le fanatisme, le divin et le féminin et le désir et l’amour, tout en laissant planer une ambiguïté pour que le spectateur soit libre de croire et comprendre ce qu’il veut.

Le kitch et le ridicule de l’onirique s’opposent au pragmatisme politique du réel pour donner au film deux ambiances bien distinctes, au risque de bousculer un peu son audience, qui se répercutent également dans les textes et le jeu des acteurs. Une dualité qui prend toute son ampleur dans le rôle de Virginie Efira, bluffante dans toutes les facettes de son personnage et secondée par un casting au meilleur de sa forme ! Charlotte Rampling et Lambert Wilson signent ainsi leur meilleure partition depuis des années et la jeune Daphne Patakia pourrait bien être quant à elle la révélation cinéma de 2021.
La différence de ton peu devenir plus gênante dans les dialogues, surtout quand elle souligne un jeu un peu en dessous des autres (notamment le père de Benedetta), mais se compense largement par son sens de la répartie avec un timing de la punchline particulièrement jouissif.

La complexité de Benedetta pousse à penser que rien n’est anodin dans ses choix esthétiques. Quelques longueurs et lourdeurs ne sont pas toujours justifiées, mais le mauvais goût de certaines scènes, lui, est complétement voulu, pensé comme la manifestation d’une vision fantasmée de la religion.
Cela dit, ce ne sont pas les séquences où un Super-Jesus dégomme des serpents en 3D à coups de machette qui risquent le plus de choquer les croyants. Mais si la notion de blasphème est largement abordée, la provocation elle, n’est pas un but en soi. Ainsi, quand deux nonnes choisissent d’utiliser une statue de la « Vierge » comme un godemichet, l’ironie soutient évidemment un message plus profond.

De même, la nudité dans le long-métrage n’est pas gratuite puisqu’elle s’articule autour de l’un de ses thèmes principaux, à savoir la place du corps, de la honte au féminin sacré. La durée des scènes de sexe et leur caractère explicite sont peut-être déjà plus discutables en termes d’utilité pure.

Qu’on adore ou qu’on déteste, Benedetta est un film qui ne laisse pas indifférent et dont on sort à bout de souffle. L’attention se porte déjà sur celui que l’œuvre aura dans la durée, car à 82 ans, il ne serait ni surprenant, ni honteux qu’il s’agisse de la dernière réalisation de Paul Verhoeven. Une conclusion qui, dans ce cas, ne manquera pas de passion !

Réalisé par Paul Verhoeven
Avec Virginie Efira, Charlotte Rampling, Daphne Patakia, Lambert Wilson etc.
France – Drame, Historique
Sortie en salle : 9 juillet 2021
Durée : 2h 06 min