Subversif submersible
Kezako ?
Chaque épisode de cette anthologie montre la dépendance des hommes vis-à-vis de tout ce qui a un écran. Tous ont un casting, un décor et une réalité différente, mais ils abordent la façon dont nous vivons maintenant et de la façon dont nous pourrions vivre dans dix minutes si nous commettions une erreur.
La critique d’Eugénie – 6/10
Après une saison 4 qui n’avait pas fait l’unanimité, la cinquième semble confirmer le déclin de la célèbre série dystopique.
Créée par Charlie Brooker en 2011, Black Mirror a marqué une décennie télévisuelle en s’attaquant à toutes les déviances possibles – et même parfois actuelles – induites par la technologie. Une thématique classique de la SF qui a su trouver un nouveau souffle en plaçant le curseur non pas sur l’opposition entre l’homme et la machine, mais entre l’homme et sa moralité, car dans les mondes de Black Mirror, ce n’est pas la technologie qui est « mauvaise », seulement nos usages. Profondément incisifs, certains épisodes ont eu, de par une réalisation et un scénario brillant, le don de donner le vertige (voir la nausée) à bon nombre de spectateurs, comme 15 Million Merits (saison 2, épisode 2), la Chasse (2×03), l’incroyable White Christmas (2×04), ou encore Chute libre (3×01), pour ne citer que les meilleurs.
Composée de trois épisodes à l’instar de la première, la saison 5 est pourtant très loin d’égaler le niveau de ses prédécesseurs.
C’est Striking Vipers qui ouvre le bal, en plaçant une référence très cool aux jeux Street Fighter. Et bien qu’une partie de l’épisode se passe dans un jeu vidéo en réalité augmentée, le propos technologique se fait étonnamment faible au profit d’une histoire d’identité sexuelle, de désir et de sentiments. Le problème, c’est que le fond s’avère très classique (difficulté d’un couple embourbé dans la routine) et n’exploite le jeu vidéo que comme décor. S’il fait le choix intelligent de ne pas proposer une quelconque analyse sur l’homosexualité, Striking Vipers entrave néanmoins l’empathie envers ses personnages et conclue d’une façon on ne peut plus convenue, loin des finals qui nous laissaient en PLS.
À sa décharge, l’épisode souffre de la comparaison avec l’excellent San Junipero (3×04), rare fin « heureuse » proposée par la série même si celle-ci soulevait en arrière-plan un discours troublant sur la mort, l’immortalité et le « paradis ».
L’épisode 2, Smithereens, est peut-être le plus intéressant bien que son scénario soit très classique. Avec une référence directe à Facebook, c’est le rapport aux réseaux sociaux qui y est dénoncé, non pas la haine qu’on y déverse comme dans Hated in the Nation (3×06), mais la simple dépendance quotidienne. Très actuel dans son propos sur les bavures policières et la protection des données, l’épisode illustre très bien le pouvoir des réseaux sociaux tout en évitant un manichéisme primaire. Cela dit, le twist de fin, notamment le comportement de l’otage, reste assez peu crédible.
En parlant de manichéisme, il est temps de passer à Rachel, Jack et Ashley Too. Sans être vraiment mauvais, l’épisode est à ce jour le plus éloigné de l’essence de la série. Affublé d’une histoire et d’un happy end digne d’un teen movie, son seul intérêt réside dans le parallèle entre Ashley et Miley Cyrus. Difficile en effet de ne pas déceler une critique envers Disney et feu le personnage d’Hannah Montana… Dommage que le discours sur la pérennité des stars n’ait pas été plus creusé.
Black Mirror livre une saison correcte, par rapport au monde des séries, mais bien en deçà de son potentiel. Moins dystopique et plus superficielle, sa mise en avant du compromis se fait le reflet de son manque d’inspiration, ou de sujet. De fait, deux épisodes abordent des technologies existantes. Peut-être la série a-t-elle simplement besoin de faire une pause, le temps que le futur l’inspire, ou l’inquiète, à nouveau.
Créé par Charlie Brooker
Avec Anthony Mackie, Andrew Scott, Topher Grace, Miley Cyrus, Pom Klementieff…
UK – Drame, Science fiction, Thriller
Saison 3 (3 épisodes) diffusée le 5 juin 2019
Durée par épisode : 60–70 minutes