Game of fame
Kezako ?
Dix ans après la mort d’une vedette de la télévision américaine, un jeune acteur se remémore la correspondance jadis entretenue avec cet homme, de même que l’impact que ces lettres ont eu sur leurs vies respectives.
La critique d’Eugénie – 7,5/10
Film ayant déjà fait couler beaucoup d’encre avant sa sortie, que ce soit en réaction au casting ou à sa post-production chaotique, Ma vie avec John F. Donovan fait déjà office de mal-aimé dans la filmographie de Xavier Dolan. Le jeune prodige du cinéma canadien signe pourtant l’oeuvre la plus ambitieuse de sa carrière où la sincérité de son intention crève l’écran.
À travers la correspondance de deux personnages aux vies aussi dissemblables que similaires (raison même de leur affection), le film renforce un effet miroir en créant des parallèles jusque dans sa construction. Les personnages notamment se font écho dans leur fonction, comme les « conseillés », incarnés par la professeur d’anglais et l’attachée de presse, mais aussi et les « témoins », qu’ils soient une journaliste ou un frère compréhensif. Cependant, la symétrie la plus évidente se retrouve dans les rôles de Nathalie Portman et de Susan Sarandon.
Comme un motif Freudien dans sa filmographie, Xavier Dolan interroge à nouveau la place de la mère, aimante mais abîmée par ses épreuves et ses échecs qui cultive une forme d’ignorance consciente pour mieux se protéger.
Et si l’Amour a toujours eu une place de choix dans l’œuvre du réalisateur, c’est ici la Solitude qui tient le rôle principal ! De l’isolement violent que subit un acteur qui ne peut jamais vraiment l’être physiquement, à l’abandon éprouvé par un enfant qui n’a pour seul confident qu’un correspondant inaccessible en passant par la capitulation des personnages secondaires… la solitude règne dans toutes ses itérations ! Amusant pour un film qui titre une vie « avec » John (Snow) F. Donovan.
Et quand on parle du loup (dédicace à Ghost), il est grand temps de parler du personnage principal dont l’histoire fait forcément écho à celle de son interprète : un jeune acteur propulsé sur le devant de la scène par une série à succès. Force est de reconnaître que Kit Harington donne ici une tout autre envergure à son talent, loin du rôle mono-expressif de John Snow. Nuancé, touchant, complexe, l’acteur livre une prestation prometteuse pour l’avenir de sa carrière.
Au final, Xavier Dolan réalise un long métrage engagé, multipliant les symboliques et délivrant également son message dans des dialogues poignants, marqués par les tirades d’un inconnu dans une arrière-cuisine et de Katy Bates. Ma vie avec J. F. Donovan se veut l’écho de ses combats et pointe du doigt l’hypocrisie d’une industrie – qui était encore plus féroce au début des années 2000 ! Imaginez donc Tom Weeling de Smallville annoncer son homosexualité à une foule d’adolescentes amoureuses en 2002 ! Même Wentworth Miller a attendu 2013, 4 ans après la fin de Prison Break, pour faire son coming out…
Le message final du réalisateur est sensiblement le même que celui du personnage de Rupert : Il n’est pas de petit combat quand on lutte pour l’égalité et la liberté !
Dommage que les scènes de Jessica Chastain n’aient pas été conservé au montage final. Avec une heure de coupée, Ma vie avec J. F. Donovan laisse une vraie curiosité en bouche car cette histoire aurait pu être racontée de bien d’autres manières. Peut-être est-ce là le vrai problème du film : tout comme un acteur à Hollywood, il n’est pas irremplaçable.
Réalisé par Xavier Dolan
Avec Kit Harington, Jacob Tremblay, Nathalie Portman, Susan Sarandon…
Canada – Drame
Sortie en salle : 13 mars 2019
Durée : 2h 03min