L’Hexagone de Fary au Comedia

Le rire stylisé

Kezako ?

Fary est de retour sur scène avec HEXAGONE, son nouveau spectacle. Quel lien entre le pays et l’identité ? Est-ce la culture qui influence l’identité ou est-ce l’inverse ? Il n’a de réponse à aucune de ces questions, mais il se les pose. Vous avez une heure… avec Fary. En vrai, viens, c’est drôle quand même.

La critique d’Eugénie – 4/5

Le mercredi 28 novembre – Artiste révélé par le Jamel Comedy Club, Fary c’est rapidement fait un nom au sein des humoristes montant de la scène française. De la salle du Point Virgule au Festival de Cannes en passant par Netflix, il a su imposer un style, une gueule et un rire. Pourtant, son spectacle « Fary Is The New Black », disponible sur la plateforme, m’avait moins enthousiasmée pour son humour, encore un peu trop superficiel à mon goût, que pour la performance scénique (au centre de public).
Mais les affiches fleurissant dans le métro ont attisé ma curiosité. Une image digne d’un catalogue de mode masculine et un titre intrigant, référence discrète à une chanson de Renaud : « Hexagone ».

Me voilà donc au balcon du Comedia, passant d’une frisquette et humide soirée de novembre à une suffocante atmosphère saturée de sueur. On attend impatiemment le début du spectacle, espérant que le rire nous fasse oublier les vapeurs étouffantes de ce véritable hammam de velours rouge. On gémirait presque en s’entendant annoncer non pas une, mais deux premières parties ! À ce compte-ci, nous serons bouillis quand Fary arrivera sur scène. Et pourtant… Lenny Mbunga et Jason Brokerss se partagent une savoureuse mise en bouche. Fait assez rare pour le souligner, ils sont aussi bons que l’artiste principal lui-même et c’est presque à regret que nous les voyons quitter la scène. Le contrat est rempli, les sourires et les esprits chauffés et on occulte un peu plus facilement celle de la salle.

Enfin le show commence ! Fary entre en scène, toujours aussi looké, aussi flegmatique et à l’aise avec son public, mais avec une assurance nouvelle. L’expérience a payé, l’artiste s’assume davantage et il ose plus ! Moins politiquement correct et plus incisif, Fary partage avec nous son dialogue ouvert avec la France, plus comme un observateur amusé que comme un détracteur. Bien qu’immigration et identité soient au coeur du discours, l’humoriste ne tombe jamais dans le propos politique facile, même quand il tacle allègrement (et pour notre plus grand plaisir) des figures comme Eric Zemmour, Dieudonné ou Alain Sorel. Mais le spectacle s’autorise aussi des digressions plus légères et d’actualités, les meilleures restant sans doute celles autour de Lauryn Hill, à peine une semaine après le fameux concert.

Fary est un artiste patient, aussi généreux avec son public qu’hilarant quand il le recale ! Son charisme naturel et sa gestuelle faussement désinvolte complètent un humour travaillé et réfléchi qui sait prendre de temps de faire vivre ses blagues et les rires.  L’humoriste tient seul la scène dans la pure tradition du stand-up (mise en scène minimaliste) rendant encore plus superflu le décor inspiré du Grand Palais, qui n’apporte, au final, rien ni au fond ni à la forme.

Fary a entamé sa mue, passant d’artiste émergent à une figure plus permanente de la scène humoristique. Il ne lui manque plus qu’un brin de confiance pour transformer l’essai et effacer les derrières traces du doute se traduisant encore dans une petite phrase suivant les blagues trop politiquement incorrectes : « Je plaisante » ! Fary, ton boulot c’est de faire des blagues, alors ne t’en excuse pas…


Textes : Fary, Jason Brokerss, Kader Aoun
Mise en scène : Kader Aoun
Durée du spectacle : 1h20

Fary présente son nouveau spectacle au Comédia d’octobre à décembre, il sera en tournée nationale à partir de janvier et à l’AccorHotels Arena le 1er mars 2019.