Kezako ?
La petite Odette est une enfant rêveuse, passionnée de danse et de dessin. Sa vie ressemble à celle des filles de son âge. Elle bascule lorsque Gilbert, l’ami de la famille, commence à la violer à chacune de ses visites. Odette devenue adulte, elle exprimera sa colère par la danse, l’amour, le rejet, la haine, l’humour. Un parcours initiatique enragé qui lui permettra enfin de se livrer…
La critique de Marcellin – 4,5/5
Rares sont les films français qui parviennent à me séduire. Souvent embourbés dans des sujets redondants et riches en faux sentiments, ils peinent à nous livrer une véritable sensibilité, celle qui vous prend les tripes. Le film de Bescond est d’une fraîcheur étonnante sur un sujet pourtant glaçant : les abus sexuels sur enfants. Adapté de son propre livre et du spectacle dansé Les Chatouilles ou la danse de la colère, Andréa raconte son histoire, nous livre sa douleur personnelle; à sa manière. Avec beaucoup de distance, de maladresse, de retenue, la réalisatrice souhaite ici ouvrir les portes sur un sujet tabou, et ainsi libérer la parole. À travers chaque personnage, le vécu de la petite Odette se construit et se déconstruit, et la légitimité du film réside dans cette pluralité de visions. Un père effondré, une mère culpabilisante, une psy déboussolée, un petit ami animé par le doute, un ami qui ne se doutait de rien… Chacun à sa hauteur, sera une pièce à part entière dans le défi d’Odette : celui de s’en sortir.
Les acteurs portent leurs rôles à merveille, et sont d’une précision de jeu bluffante. Ils arrivent à contenir l’émotion pour en faire quelque chose de vivant, rempli d’humilité. J’ai également une grande admiration pour la mise en scène, qui joue sur les codes du film dansé, créant ainsi avec imagination ce fantasme lié à la thérapie. Un parcours de reconstruction nécessaire pour un personnage aussi fier et orgueilleux qu’Odette. Ces demi-rêves (ou cauchemars) participent encore plus à nous livrer une réalité bien cruelle. Celle de scènes de viol, de moments de solitude et d’incompréhension, de silence et de douleur. Mais la partie la plus difficile est de voir cette jeune femme livrée à elle-même dans son combat. Sa mère (Karin Viard) en est l’illustration la plus évidente : c’est elle qui refusera la honte que sa fille lui inflige, car Gilbert n’a pas le type du pédophile, c’est un ami, et surtout, que vont dire les gens ?
Nombre de fois je rumine dans mon siège, à cause d’un sentiment d’impuissance, de colère et de tristesse. Mais le film réussit à nous emmener vers une subtile palette d’émotions. Certaines scènes vous laisseront la gorge nouée, notamment celle avec son père, mais aussi cette fin, d’une sobriété saisissante. Le gouffre qui séparait la douce et fragile petite Odette se referme lorsqu’elle finit par se connecter à l’impétueuse adulte qu’elle est devenue. Et nous prouve une chose : qu’il est beau de se retrouver…
Réalisé par Andréa Bescond, Eric Métayer
Avec André Bescond, Karin Viard, Clovis Cornillac, Gringe
France – Drame
Sortie en salle : 14 novembre 2018
Durée : 1h43 min