Plongée dans le monde des esprits, de l’épouvante et des créatures fantastiques : l’exposition s’empare des histoires de fantômes en Asie. À travers l’art religieux, le théâtre, le cinéma, la création contemporaine ou le manga, un parcours aux frontières du réel – jusqu’au 15 juillet 2018.
La critique d’Eugénie
Le jeudi 7 juin 2018 – Before gratuite pour une destination d’exception… Pièces en main, traversez le Styx puis prenez à gauche de Cerbère et… non attendez, il y a erreur sur la damnation ! Nous avons rendez-vous dans un autre enfer, moins connu de l’Occident… Ce soir les monstres de l’Asie s’emparent de Paris et ils n’ont pas fait les choses à moitié : workshops et performances viennent compléter l’exposition au service d’une expérience unique que Marcellin vous détaillera mieux que moi…
À la place, enfonçons-nous dans le dédale infernal concocté par le musée, à la découverte des mythes asiatiques qui, plus que leurs propres histoires, racontent l’Histoire des mythes. À travers une collection riche et variée de peintures, tapisseries, estampes (Hokusai mon amour), masques et costumes, nous découvrons les croyances prenant racine dans le bouddhisme indien pour mieux en suivre les migrations. Confronté aux légendes millénaires des pays qu’il traverse (Chine, Japon, Thaïlande, Corée, Vietnam…) le sacré se mêle au profane et la religion devient légende, construisant un folklore hybride d’une grande diversité. Des arts religieux aux itérations plus récentes de culture populaire, films de J-Horror, mangas et jeux vidéo, l’Asie est hantée et fascinée par les figures de l’épouvante qui, bien que différentes des nôtres, ont pour essence les mêmes peurs viscérales de l’humanité.
L’exposition se joue en trois actes, un premier dédié aux Enfers, purgatoire où chaque crime à son châtiment : langues tranchées, corps frits dans l’huile, infidèles empalés… et pas besoin d’être un tueur en série pour y séjourner (Marcellin mon poussin, on est mal barré) ! Puis au détour des couloirs, les flammes infernales laissent place aux revenants, fantômes et spectres prisonniers entre les mondes. Sculptures horrifiques, extraits de films ou hologrammes se chargent de leur donner une forme comme pour les célèbres Yurei, femmes-fantômes japonaises popularisées par le film « Ring ». Entre autres démons s’exposent aussi les phis, « walking dead » thaïlandais condamnés à une faim éternelle, les jiangshi, vampires sauteurs chinois (Dracula serait tout de suite moins séduisant) aspirant le souffle des vivants (#détraqueurs) et autres femmes-chats japonaises, soit l’histoire d’une meurtrière possédée par le Mistigri revanchard témoin du crime. La visite s’achève par les rites funéraires et le culte des esprits, fermant le cycle en convertissant les défunts en entités bénéfiques.
Une approche qui sans être exhaustive a le mérite de dévoiler l’étendue et la richesse d’un pan de culture encore (trop) méconnu du grand public. Une pédagogie portée par une vraie volonté de mise en scène, immersive et sensorielle ou la scénographie asphyxie la lumière pour faire vivre l’ombre, le tout enveloppé dans une ambiance musicale mystique. Obscure et envoutante, l’exposition se déchiffre par l’une de ses propres citations : « La peur des fantômes est peut-être à la mesure de l’importance qu’une société accorde au culte de ses ancêtres ».
La critique de Marcellin
Le jeudi 7 juin 2018 – Depuis l’annonce de sa création, l’exposition Enfers et Fantômes d’Asie n’a eu de cesse de titiller ma curiosité. Un évènement incontournable pour aficionado de créatures horrifiques et d’univers fantasmagoriques. J’ai pourtant attendu le dernier Before de la saison organisé par le quai Branly (mais le premier pour Eugénie et moi-même), car j’ai exprimé la volonté de vivre plus qu’une simple visite, mais une plongée mystique dans cet univers si particulier. Et c’est avec une grande bienveillance que je conseille à tous de participer à ces évènements orchestrés avec passion.
Gratuit, la Before propose non seulement l’exposition, mais également des visites guidées, des contes musicaux, des performances artistiques, des workshops et des lives. Un concentré très prometteur pour une expérience immersive à la frontière du réel. L’évènement a bien évidemment vite été assailli par de nombreux curieux, il nous a paru donc difficile de pouvoir vivre chaque expérience proposée (notamment les ateliers tatouages éphémères et yōkaïs). Mais l’organisation nous a permis d’assister à diverses performances qui ont su ravir nos sens. Mention spéciale à la danseuse et musicienne Yôko Higashi (et aux images du cinéaste Bertrand Mandico) qui a transporté notre vue et notre ouïe dans son univers parallèle et son ambiance occulte.
Encore envoûtés, la faim nous a mené vers le bar éphémère qui proposait pour l’occasion des cocktails et food morbides. Au menu : coeur sanguinolent, pattes de poulets, bagel tout de noir vêtu ou encore bouchées en forme de crânes. Bravo au Quai Branly pour ces créations sur mesure !
Mais abordons le sujet majeur : l’exposition. Le Quai Branly nous propose donc de découvrir à travers le Japon, la Thaïlande ou encore la Corée un patrimoine commun, celui du fantôme (qui diverge de la vision occidentale), mais aussi du surnaturel et des enfers. La place occupée par ces thèmes dans les différentes cultures asiatiques est majeure, car elle est intrinsèque à l’art et la religion. C’est avec une grande richesse, une passion, et une curiosité profonde que le musée propose une immersion spectaculaire dans ces mondes si particuliers. L’exposition est d’une grande diversité, nous proposant ainsi des décors, statues, figurines, hologrammes, estampes (dont celles d’Hokusai), des extraits de films, des affiches… Elle brasse ainsi des objets anciens, mais aussi des références pop culture, le tout dans une ambiance ésotérique et poétique. L’aspect spectaculaire pourra peut être décevoir les plus « curieux » qui souhaitaient se nourrir d’anecdotes et informations historiques, mais c’est une démarche consciente du musée, qui vous invite surtout à flâner et à vous laisser imprégner par l’univers somptueux des oeuvres.
Et pour les mordus ! Le musée du Quai Branly organise un Week end d’Enfers les 23 et 24 Juin. Visites nocturnes, ateliers, projections et chasse aux fantômes seront à savourer. Pour plus d’informations : c’est par ici