Le PIFFF, mais c’est quoi encore ce festival ?
Un monument incontournable du paysage cinématographique, un rendez vous à ne pas manquer pour tous les fans de films de genre. Pour tous ceux qui ont du nez 😉
Le PIFFF c’est six ans d’existence, deux déménagements, 55.000 spectateurs, 259 films projetés. Ce concept qui mise sur le sens du bénévolat, du créateur aux techniciens, a fait justement de ces intervenants et publics passionnés, sa véritable force. Le Paris International Fantastic Film Festival (PIFFF) a été créé à l’initiative de l’association Paris Ciné Fantastique. Paris Ciné Fantastique est une association Loi 1901 qui a pour objet de promouvoir le cinéma fantastique sous ses formes les plus diverses : événementiels, éditions écrites ou numériques, Internet, programmes audiovisuels.
Aujourd’hui, le PIFFF a trouvé sa place, au sein de la fantastique salle du MAX LINDER. Son but ? Réunir un public et une organisation de passionnés, devant des films choisis avec amour.
Cette année je vais au delà du simple statut de spectatrice, j’oeuvre en tant que bénévole, histoire de vivre ce festival que j’affectionne de l’intérieur. Le bilan de ces cinq jours m’a conforté dans l’idée que cet évènement est un projet presque familial, où public, réalisateurs, acteurs et organisateurs ne font qu’un. Un objectif en commun : soutenir des films que l’on verra rarement à l’écran, autant que des oeuvres cultes que chacun a su chérir une fois dans sa vie.
J’ai donc eu la chance, entre deux soutiens à cette sacré team de bénévoles, de pouvoir profiter de 5 films :
REVENGE de Coralie Fargeat
Kezako ? – Victime d’un viol, une jeune femme est laissée pour morte par ses trois agresseurs, animée par un désir de vengeance, la proie va vite se transformer en prédateur…
Le rape and revenge est un genre plus que controversé, censé dénoncer un machisme et une misogynie, il est souvent traité de la mauvais manière pour émettre un discours plus que contemporain : le viol. Pourtant ici, REVENGE va plus loin, car ce crime n’est que le point de départ d’une épopée féministe dans laquelle l’héroïne va s’embarquer. Plutôt habituée à la brutalité crue de films tels que I SPIT ON YOUR GRAVE, cette oeuvre est plutôt une surprise. Un premier argument serait appuyé par l’esthétique du film : certaines scènes sont tout simplement sublimes, je pense notamment à ces plans sur un des protagonistes dans l’hélicoptère ou encore cet air féroce livré par ce motard dans la nuit, d’une neutralité inquiétante. Ensuite, il y a le choix du décor, nous sommes loin d’une bourgade paumée avec de vieux bougres assoiffés de chair fraîche, loin d’un sous-sol crade : le film est tourné dans un paysage quasi désertique, coupée du monde, ayant pour seul appui de civilisation une villa sublime que seul un hélicoptère peut atteindre. Et c’est aussi dans ce choix de cadre que réside un des points forts du film. Ce décor sans âme, en train de s’assécher, va être le terrain de jeu et de transformation d’une femme victime. L’actrice réussit à nous convaincre, mais surtout parce que le rôle est parfaitement écrit. Elle peut nous paraître au premier abord comme ce que les plus ignorants appelleraient une « fille facile », mais paraît à mes yeux comme une jeune femme pleine de vie qui n’a aucun instant à perdre. Et pourtant, lorsque cet Homme viendra prendre le dessus sur elle, elle ne fera qu’un avec ce paysage désertique, comme un terrain pour renaître. Tout au long de cette vengeance, elle se dénudera toujours plus, par pour qu’elle s’offre au spectateur, mais pour que nous la regardions dominer son nouveau terrain de chasse. Elle nous apparaît telle une Furiosa dans un décor de MAD MAX, et elle est prête à tout pour sa survie. Les amateurs de gores seront les plus servis, car la réalisatrice ne lésine pas sur les moyens. Enfin, dans l’ensemble, et malgré quelques longueurs, REVENGE est un film efficace qui permet de nous plonger à travers un regard féministe dans les méandres d’un des pires crimes de l’humanité.
A GHOST STORY de David Lowery
Kezako ? Décédé dans un accident de voiture, le fantôme d’un homme hante son foyer et observe sa compagne endeuillée. Commence alors une odyssée dans les méandres de l’existence.
Ce film, présenté en cérémonie d’ouverture, ne pouvait que faire parler de lui. Il fait figure d’exception au PIFFF, peu habitué à présenter des oeuvres d’une si grande douceur. Ce que l’on peut nommer « cinéma contemplatif » ou « fond d’écran Windows » pour les détracteurs de ce genre, A GHOST STORY en est un bel exemple. Nous parlons bien ici d’un histoire de fantôme, mais surtout d’un voyage quelque peu cathartique où ce personnage silencieux et inexpressif, dissimulé derrière son drap blanc, va se reconstruire et se déconstruire. La thématique du passage du temps, de cet amour brisé par la mort mais pourtant immortel, va se révéler l’appui nécessaire d’un parcours initiatique jusqu’à l’origine, la sienne et la nôtre. Certes, j’entends ici l’écho d’une sorte de TREE OF LIFE de Terrence Malick, mais dépourvu de sa dimension biblique. Ainsi, la créature angoissante qu’est à l’origine celle du fantôme, devient ici une entité toute en fragilité, qui ne peut rien faire contre le temps qui passe, qui ère dans un espace infini, qui voit son monde s’effondrer, pour finalement, disparaître pour le laisser se reconstruire…
MAYHEM de Joe Lynch
Kezako ? Licencié sans ménagement, un jeune homme va profiter d’une mystérieuse épidémie supprimant la moindre inhibition, pour se venger et justifier ainsi chacun de ses crimes…
Qui n’a jamais rêvé de pouvoir laisser libre cours à ses fantasmes sans le moindre contrôle ? MAYHEM réveille ainsi les désirs profonds de chacun à travers un zombie flick qui va littéralement porté à l’écran le burn-out. Tuer son patron, copuler avec ses collègues : le film allie ainsi violence, gore et humour décalé pour proposer au spectateur un pur moment de divertissement. Pourtant, on peut reprocher au réalisateur de ne pas pousser le propos jusqu’au bout, et de ne pas livrer un peu plus de vraie folie à ses personnages comme il en a placé en dressant le portrait de cette épidémie. Malgré la bonne volonté de notre cher chasseur de zombie Glenn (à savoir donc Steven Yeun), les protagonistes peinent à nous livrer quelque chose, n’allant pas au delà d’une simple vengeance. C’est pourtant un film qui a du corps, avec une belle rythmique durant lequel, je l’avoue, on ne s’ennuie pas vraiment.
TRAGEDY GIRLS de Tyler MacIntyre
Kezako ? Deux adolescentes aficionados de meurtres et ultra connectées, décident d’allier leurs deux passions en devenant les stars du web. Elles kidnappent un serial killer pour tout apprendre « du métier », et débutent ainsi leur vague de crimes…
En misant sur une comédie satirique sanguinolente, Tyler MacIntyre souhaite dénoncer cette génération de millenials qui s’inspire et communique par écrans interposés. Il surfe bien évidemment sur le concept du teen movie horrifique, où comment la jeunesse américaine bien sous touts rapports, bascule dans l’horreur par souci de célébrité. Comment Internet a su créer de véritables psychopathes dénués de toute empathie et prêts à tout pour être sur le devant de la scène ? Les deux actrices principales incarnent parfaitement ces personnages en les transformant en véritables Scream Queens. Je me dois de faire honneur à quelques scènes très drôles, et une imagerie gore très percutante, qui fait honneur au film. Cependant, le tout manque de véritable enjeu et de psychologie, car la satire repart aussi tôt qu’elle est arrivée. TRAGEDY GIRLS n’est pas pour déplaire au spectateur, car il a su faire son petit effet, mais autant se diriger vers le très efficace JENNIFER’S BODY, avec la très sauvage Megan Fox et l’irrésistible scénario de Diablo Cody.
SHIN GODZILLA de Hideaki Anno et Shinji Higuchi
Kezako ? Une catastrophe se produit près de Tokyo, les scientifiques finissent par se rendre compte qu’il s’agit d’un monstre gigantesque, ravageant tout sur son passage…
Enfin le retour de GODZILLA ! Et quel retour aux origines ! Loin des blockbusters américains qui ne rendent pas honneur au Kaiju eiga, ici, le plus célèbre des monstres s’offre un film spectaculaire. Le lézard géant nous offre une véritable poussée de croissance numérique qui nous livre un réalisme à couper le souffle. Et pourtant, GODZILLA est un personnage quelque peu secondaire, puisque le parti pris du réalisateur et de nous montrer, avec un rythme soutenu et plus qu’efficace, comment l’être humain peut tuer une telle créature… Dans ce film, l’Homme et son libre arbitre sont à l’honneur. Nous faisons face à des dizaines de protagonistes, entre politiques, forces militaires, scientifiques, on se perd parfois dans un brouhaha qui a finalement son charme. Tout est détaillé : rôles, statuts, armes utilisées, missions… ce qui nous apporte un réalisme absolument fou et révolutionne le genre. Il y a bien sûr une critique de la léthargie politique, de la panique bureaucratique quand il s’agit de faire face à une catastrophe, car c’est ce qu’est GODZILLA : le résultat d’un rejet nucléaire. Le résultat à l’écran est à la fois drôle et impressionnant, car la créature paraît en même temps réaliste et très 80’s avec ses super lasers atomiques. Mais attention, SHIN GODZILLA n’est pas un film d’action, ceux qui se laisseront surprendre pourront néanmoins être vraiment conquis.
LEATHERFACE de Alexandre Bustillo et Julien Maury
Kezako ? Suite à une émeute, des adolescents difficiles fuient un hôpital psychiatrique en kidnappant une jeune infirmière. Parmi eux, Jed Sawyer, le fils de la famille cannibale qui a tué la fille du shérif, qui est lui, bien décidé à se venger…
Mais qui se cache derrière ce bouseux d’animal LEATHERFACE ? Toute la dimension du film de Tobe Hooper était de nous livrer une famille de rednecks dégénérés, dans un décor crasseux qui a fait tout le charme du tueur à la tronçonneuse. Ici les réalisateurs frenchies du très efficace A L’INTERIEUR, décident de miser sur le doute, de nous offrir des portraits d’adolescents dangereux, et nous offrent un travail de spectateur : qui va devenir LEATHERFACE ? Mais la vraie méchante, c’est la mère, la génitrice du mal, qui veut tout faire pour récupérer son fils et le rallier à sa tribu de psychopathes. Nous ignorons donc, tout au long de leur road trip à la DEVIL’S REJECTS, qui des trois garçons présents deviendra l’animal, le tueur sanguinaire de la famille Sawyer, le pourvoyeur de chairs ! Et c’est en cela que tout le film perd malheureusement tout son intérêt. La philosophie de bazar, sans doute imposée par les studios hollywoodiens, nous mène dans un traquenard ridicule où l’on ne comprend pas à un seul moment comment un jeune homme assez banal (même si animé par une grande violence), perd complètement les pédales. Et aucun rôle ne sauve la mise, ils sont même à la limite de la caricature. LEATHERFACE est loin de cette image pathos qu’on lui octroie dans ce film, et aucune morale n’est à tirer de ce film. Même les scènes gores se font rares, et n’apportent pas grand chose au récit. Quel dommage pourtant, car en visionnant les scènes coupées, la fin alternative avait le potentiel pour nous empêcher de rester sur notre faim…
Par Marcellin