Jeudi 16 novembre 2017 – Un soir froid dans le 13ème arrondissement de Paris, mais un coeur réchauffé par tant de hâte : rencontrer un de mes cinéastes fétiches.Doucement la salle se remplit par des fans trépignant d’impatience de faire face à leur maître. Lorsqu’il pénètre le cinéma des Fauvettes, haut lieu de rencontres cinématographiques, Larry Clark se fait sentir. Il dégage un charisme certain, une présence soutenue, encadré par les jeunes membres de cet admirable comité de cinéphiles qui font un travail remarquable pour notre patrimoine cinématographique : HORSCHAMP. C’est grâce à eux que cette masterclass a eu lieu, et je les en remercie encore.
C’est donc avec son allure un peu grunge et son cuir que Clark s’installe pour répondre à toutes nos questions, enfin presque… Car il est un artiste, de celui qui répond aux questions qu’il juge les plus pertinentes, dans le cas contraire il se contente de son impertinent « I don’t get it ».
Mais sa présence seule suffisait à me rappeler ces beautés sur pellicule qui ont su marquer mon âme torturée d’adolescente en quête de revendications. Car c’est bien là que Larry Clark force l’admiration : il est bien l’un des seuls à avoir saisi ce qu’est être jeune. Il a su à travers ses oeuvres capter une douleur, une amitié, une haine, un amour, toutes ces émotions qui construisent cette personnalité lorsque nous passons avec peine l’âge adolescent. Celui où vous n’êtes plus un enfant mais loin d’être un adulte. Celui où personne ne semble vous comprendre. On peut ici le citer « Je m’intéresse depuis toujours aux différentes façons dont les gamins grandissent. » Il précise : « Les gamins que je fais jouer sont tellement authentiques. Quand je fais le casting, je cherche quelqu’un qui pourra plaire à la caméra. On voit tout de suite si la personnalité du jeune fera l’affaire. J’ai eu une adolescence dure, je n’étais pas heureux. Et pour moi, mon adolescence constitue un puits sans fond. »
Certes Larry plaît ou ne plaît pas, mais on ne peut lui enlever qu’il est un générateur d’émotions, pas dans son esprit fantasque ou son esthétisme à l’extrême, mais bien dans une simplicité, une honnêteté artistique, dans cette déclaration d’amour faite à la jeunesse. Et cela peu importe d’où elle vient : il a parlé des ces jeunes errants New-Yorkais de KIDS, de ces tueurs de faits divers dans BULLY ou encore de ces parisiens skateurs de SMELL OF US. Comme il l’indique, « Ca fait cinquante ans que je travaille, et rétrospectivement, je vois que je prends en photo ou que je filme de petits groupes de personnes dont on ne saurait rien si je ne les montrais pas. » Un trauma universel qu’est celui de l’adolescence.
Clark dépeint avec sa caméra ce que chaque être humain perd quand il entre dans le monde adulte; une insouciance, une impertinence mais aussi une détresse qui est propre à cette jeunesse qui est à la fois pleine de promesses et pleine de regrets. Il nous livre des déclarations brutes, des personnages authentiques et d’une justesse incroyable.
C’est d’ailleurs ce que l’on ressent quand on lui fait face : Larry ne triche pas, ne markete pas son discours, il se livre, quand et comment bon lui semble.
Je ne pourrais pas ignorer, en parlant de cette masterclass, l’intervention loufoque de Dominique Frot, qui est venu parler de cette scène touchante dans Smell of us : celle d’une mère dépressive, alcoolique à la limite de l’inceste. Cette liberté de jeu qu’elle nous livre à l’écran, elle l’a bel et bien dans la vraie vie. Elle se prend alors à nous citer des phrases qu’elle écrit, sans jamais s’arrêter, en créant parfois un léger malaise qui se transforme en rire. Car de l’audace elle en a, comme son réalisateur Larry Clark, qui en a fait sa marque de fabrique.
C’est donc une touchante rencontre d’amoureux du cinéma, qui n’a pas répondu à toutes nos interrogations, mais qui a su nous livrer un beau moment en hommage à l’impertinence.
Par Marcellin